Londres demande au gouverneur de Maurice, Sir John Shaw Rennie, de sonder les dirigeants politiques et d’évaluer leurs attentes en termes d’indemnisation en échange des îles. © Vel Kadarasen/L’express
Chapitre I : Le pot-de-vin
Parce que l’actualité dépend de l’histoire, parce que les faits et discours d’aujourd’hui doivent être vus sous le prisme du passé, «l’express» publie, à partir d’aujourd’hui et tous les mardis, par chapitres, le livre de Jean Claude de l’Estrac sur les Chagos, avec le soutien des Éditions le Printemps, où vous pouvez retrouver cet ouvrage.
C’est une histoire de duperie.
De mensonges et de lâchetés.
Peut-être pis encore.
L’aveu vient du Foreign Office britannique : lors des discussions entre les divers services de Whitehall impliqués dans les tractations qui ont mené au démembrement du territoire de Maurice, il a été d’abord question de gros sous. Il avait été décidé de détacher l’archipel de Chagos de Maurice, d’évacuer tous les habitants des îles pour faciliter l’installation de la base militaire anglo- américaine de Diego Garcia.
Pour le Foreign Office, l’élément le plus important des négociations a été le dédommagement à payer à Maurice, alors colonie britannique. Il est qualifié de «pot-de-vin». Il sera versé pour persuader les autorités politiques locales d’accepter ou tout au moins de laisser se réaliser le projet de défense anglo-américain dans l’océan Indien et d’approuver le démembrement de leur territoire. Le même raisonnement est tenu à l’égard des Seychelles. Cette constatation est faite dans une lettre que Martin R. Morland, du sous-secrétariat permanent, transmet le 22 juin 1965 à J. A. Patterson, du département du Trésor1 .
M. Morland dit lui-même que s’il parle aussi crûment, c’est parce que le gouvernement britannique a estimé ne pouvoir obtenir l’accord, jugé indispensable, des autorités politiques mauriciennes sur le projet de démembrement de leur territoire qu’en leur proposant une «généreuse indemnisation». Il en est de même pour les Seychelles, le projet anglo-américain prévoyant également l’annexion des îlots seychellois d’Aldabra, Farquhar et Desroches, tous trois situés dans la partie occidentale de l’océan Indien.
Les Britanniques estiment qu’il sera nécessaire de proposer à Maurice et aux Seychelles non seulement diverses formes de dédommagement, definancements de projets de développement, mais «peut-être aussi d’autres incitations2 ». La nature exacte de ces incitations n’est pas précisée.
Dans une communication à Washington, le Foreign Office évoque les «douceurs» devant être proposées aux deux gouvernements. Le mot «douceurs» est en français dans le texte.
De son côté, le gouverneur de Maurice, sir John Shaw Rennie, croit pouvoir préciser que «la valeur du bribe (pot-de-vin) ne doit pas changer en fonction du nombre d’îles détachées4 ».
Le Foreign Office n’a pas peur des mots. Dans une lettre à l’ambassadeur N. C. C. Trench à Washington, l’assistant du sous-secrétaire d’État au Foreign Office, Edward Peck, est explicite : «nous savons qu’il sera difficile d’obtenir des Américains qu’ils participent financièrement au graissage de patte (bribing) des deux gouvernements concernés5 …»
Ce projet de création d’une nouvelle base militaire anglo-américaine sur des îles reprises à Maurice et aux Seychelles a commencé à se dessiner dès 1961. Il a pour origine un double contexte : d’une part, le vent de la décolonisation qui souffle sur les territoires coloniaux, et de l’autre l’affrontement idéologique Est-Ouest qui a engendré une guerre froide traduite notamment par l’apparition des premiers bâtiments de guerre soviétiques dans l’océan Indien. Les Occidentaux craignent que la liberté de navigation dans la région ne soit menacée. C’est ainsi qu’à l’initiative des États-Unis, un accord secret est signé en 1961 entre le président américain, John Fitzgerald Kennedy, et le Premier ministre britannique, Harold Macmillan.
En vertu de cet accord, les Américains s’engagent à installer une base militaire dans la région pour la défense des intérêts occidentaux «à la double condition que le territoire anglais choisi pour l’abriter échappe au processus de décolonisation et que sa population en soit entièrement évacuée pour des raisons de sécurité6 ».
Un accord de principe est conclu en 1963 entre des représentants des deux pays. Il prévoit que «si une étude le recommande, une station militaire américaine de communications et des installations de soutien devraient être construites sur l’île de Diego Garcia, dans l’archipel des Chagos, administrée par Maurice, mais située à plus de l 000 miles au nord-est de l’île principale». Il est déjà établi que la station de communications pourrait être le prélude d’un projet de plus grande envergure avec d’autres facilités dans les autres îles. Il est agréé que les Américains financeront les travaux et que les Britanniques se chargeront de faire évacuer les populations habitant les îles choisies et de payer tout dédommagement nécessaire aux intérêts locaux.
À l’occasion d’un voyage du secrétaire d’État britannique à Washington et à New York, en mars 1965, et après avoir étudié toutes les implications de l’opération – militaires, juridiques et diplomatiques –, les Britanniques donnent formellement leur accord.
Les stratèges britanniques qui ont analysé la situation militaire de l’océan Indien sont sensibles aux besoins des Américains. Ils notent que depuis l’attaque chinoise de 1962 contre l’Inde, et peut-être plus tôt, les Américains ont pris conscience d’un «vide» dans leur dispositif militaire dans la région. Ils n’ont pas de forces déployées en permanence entre la Méditerranée et les Philippines. D’autre part, les Britanniques estiment que si eux-mêmes doivent maintenir une présence militaire à l’est de Suez, ils ont intérêt à promouvoir une plus grande coopération militaire anglo-américaine dans l’océan Indien, et s’ils devaient se retirer graduellement, il ne serait pas moins utile d’assurer une présence américaine. L’étude conjointe anglo-américaine, menée dans les îles, est réalisée avec l’accord de Seewoosagur Ramgoolam, qui dirige le gouvernement autonome de Maurice. Assez vite, les experts qui inspectent les îles arrivent à la conclusion que Diego Garcia serait un excellent choix pour l’établissement d’une base militaire. Isolé, mollement administré par Port-Louis, l’archipel, peu peuplé, est situé à une distance presque égale des côtes de l’Afrique orientale, des archipels indonésiens, de l’Australie et de l’Irak. Il est aussi proche de l’Asie du sud, un point chaud en raison de la rivalité entre l’Inde et le Pakistan. Tel un «porte-avions», Diego Garcia est exceptionnellement bien située pour contrôler tout l’océan Indien. En fait, les Britanniques en rêvent depuis fort longtemps : déjà en 1786, aux prises avec les Français, ils avaient envoyé de l’Inde une expédition dans l’île pour y installer une «base militaire8 » .
Le choix fait, conformément à leur accord secret, les Britanniques tentent une première approche auprès du chef du gouvernement mauricien. Ils évoquent la possibilité de détacher quelques-unes des îles de l’archipel. Ils constatent que la première réaction de Seewoosagur Ramgoolam est «réservée9 ». C’est que même si les Britanniques ne parlent que de «station de communications», les dirigeants mauriciens sont parfaitement au courant de leur intention à long terme. Des rumeurs d’installation d’une base américaine dans la région circulent déjà. Elles ont provoqué des réactions hostiles de certains gouvernements africains et asiatiques, ainsi que de Moscou et de la conférence des pays non-alignés qui s’est déroulée au Caire.
Mais, les critiques et les oppositions ne freinent aucunement Whitehall. Il est rapidement décidé que le Colonial Office devrait prendre les mesures constitutionnelles voulues afin de détacher les îles en question. Le ministère de la Défense est invité à calculer le «prix d’achat» de ces îles et évaluer le potentiel militaire de chacune d’elles.
Lors d’une visite à la Maison-Blanche, le 15 avril 1965, le Premier ministre britannique, Harold Wilson, rassure les Américains qui s’impatientent. Ils trouvent que le projet n’avance pas suffisamment vite. Wilson déclare que les Britanniques sont tout aussi pressés de faire aboutir ce projet de développement de «bases» dans l’océan Indien – «base» est le mot utilisé par Wilson10.
Le Premier ministre britannique réaffirme son engagement de faire aboutir le projet, malgré «l’embarras politique» dont le Royaume-Uni pourrait être l’objet aux Nations unies et ailleurs. Le Royaume-Uni appréhende une levée de boucliers à l’Onu. En 1960, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la Déclaration 1514 (XV) sur l’indépendance des territoires et des peuples coloniaux. Cette déclaration demande l’indépendance complète des territoires autonomes comme Maurice et les Seychelles, sans modification de leurs frontières. Elle condamne «toute atteinte visant à bouleverser, partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays11».
Le gouvernement britannique reconnaît que le démembrement éventuel des territoires mauricien et seychellois, en violation donc de la charte des Nations unies, provoquera des «accusations de colonialisme et d’impérialisme». Pour tenter d’atténuer ces critiques, il n’a de cesse de souligner qu’il agit en consultation permanente avec les dirigeants politiques locaux.
Le Premier ministre britannique admet que le Royaume-Uni paiera un «prix» politique pour cette opération. Il se préoccupe également de son coût en termes d’indemnités à payer aux intérêts commerciaux concernés, «mais aussi du prix qu’il faudra payer au gouvernement local pour la cession des îles en question». Il souhaite que la proposition soit davantage discutée, notamment son aspect juridique ; il s’agit de savoir si les gouvernements locaux peuvent vraiment exiger un dédommagement en contrepartie du démembrement de leur territoire12.
Cette question a été analysée par l’administration britannique, qui a conclu que même si elle est en droit de détacher ces îles, un dédommagement devrait quand même être payé pour écarter tout risque de «chantage13».
Et comme il s’annonce bien plus élevé que prévu au départ, les Britanniques décident de reprendre la discussion avec les Américains et de solliciter une contribution financière de leur part14.
Bien que toutes ces tractations soient censées se dérouler dans le plus grand secret entre les deux gouvernements, la presse internationale commence à publier des révélations sur ce projet anglo-américain. En réaction, le Commonwealth Relations Office met en place une ligne de défense qui consiste à nier l’imminence de la construction d’une quelconque base, reconnaissant seulement en public l’existence d’une étude conjointe anglo-américaine à ce sujet.
Dans une déclaration à la Chambre des communes, le 5 avril 1965, Mme Eirene White, sous-secrétaire d’État aux Colonies, précise que le chef du gouvernement mauricien a été consulté quant à l’étude visant à trouver des sites possibles «pour certaines facilités limitées». Elle déclare que le conseil des ministres mauricien a été tenu informé, que les résultats de l’étude étaient toujours examinés et que le Premier sera de nouveau consulté avant toute annonce à Londres et à Washington. Cette position officielle est communiquée aux diplomates britanniques en poste dans les pays du Commonwealth, à l’exception de New Delhi, dont Londres se méfie15.
The National Archives (TNA), (UK) : Public Records Office (PRO). 22 June 1965. Letter from M. R. Morland, Foreign Office, to J. A. Patterson, HM Treasury. FO 371/184524 Z4/86.
TNA. PRO. 22 May 1965. Draft of telegram from Commonwealth Relations Office to British High Commissions. FO 371/184524 Z4/70.
TNA. PRO. 21 April 1965. Letter from E. H. Peck, Foreign Office, to N. C. C. Trench, British Embassy, Washington. FO 371/184523 Z4/35.
TNA. PRO. 3 May 1965. Defence facilities in the Indian Ocean – Minute by M. R. Morland, Foreign Office. FO 371/184523 Z4/47/G.
TNA. PRO. 7 May 1965. Letter from E. H. Peck, Foreign Office, to N. C. C. Trench, British Embassy, Washington. FO 371/184523 Z4/48/G.
Oraison, André, «Diego Garcia : enjeux de la présence américaine dans l’océan Indien», Afrique Contemporaine, 2003. 219
TNA. PRO. 24 February 1965. Defence Interests in the Indian Ocean – Memorandum by the Foreign Secretary, Defence Secretary and the Commonwealth Secretary. FO 371/184522 Z4/12/G.
Toussaint, Auguste, L’océan Indien au XVIIIe siècle. Paris, Flammarion, 1974, 65.
TNA. PRO. 22 February 1965. Defence Interests in the Indian Ocean – Memorandum by the Foreign Secretary, Defence Secretary and the Commonwealth Secretary. FO 371/184522 Z4/12/G.
TNA. PRO. 15 April 1965. Extract from record of meeting between Mr Rusk and the Prime Minister [Harold Wilson] [at the White House]. FO 371/184523 Z4/52.
Declaration on the Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples, G. A. Res. 1514, U. N. Doc A/RES/1514 (14 December 1960).
TNA. PRO. 15 April 1965. Extract from record of meeting between Mr Rusk and the Prime Minister [Harold Wilson] [at the White House]. FO 371/184523 Z4/52.
TNA. PRO. 7 April 1965. Defence Facilities in the Indian Ocean – Minute to the Prime Minister, OPD(65)68 CAB 148/20.
TNA. PRO. 26 April 1965. Defence facilities in the Indian Ocean – Minute from Michael Stewart to Colonial Secretary. FO 371/184523 Z4/40/G.
TNA. PRO. 21 April 1965. Defence interests in Indian Ocean – Telegram from Commonwealth Relations Office to British High Commissions. FO 371/184523 Z4/36.
Chapitre II : Les secrets
L’an prochain à Diego Garcia…
«L’express» publie, depuis mardi dernier, par chapitres, le livre de Jean Claude de l’Estrac sur les Chagos, avec le soutien des Éditions le Printemps, où vous pouvez retrouver cet ouvrage.
Le gouvernement américain ne veut pas s’embarrasser outre mesure des retombées politiques pour Londres du démembrement de ses colonies. Il est de plus en plus pressé de prendre possession des îles choisies. Il invite le gouvernement britannique à finaliser au plus vite les discussions avec Maurice et les Seychelles. Mais le Royaume-Uni veut avancer avec prudence. Bien que résolu à affronter les critiques politiques, il veut obtenir à tout prix l’accord des deux gouvernements locaux, espérant ainsi désamorcer partiellement les contestations diplomatiques.
Cet accord est maintenant considéré comme d’autant plus crucial que l’examen à Whitehall de la légalité du projet de démembrement a clairement montré que «les îles font légalement partie du territoire de la colonie concernée». En conséquence, les experts britanniques considèrent l’assentiment des autorités politiques locales comme «fondamental pour la constitutionnalité de «l’excision» des îles concernées1 ». C’est pour obtenir cette indispensable caution qu’ils ont décidé de proposer aux gouvernements locaux des «indemnités généreuses».
Le gouvernement britannique estime qu’il faudrait prévoir au moins dix millions de livres sterling, compte tenu surtout de la nécessité d’aboutir rapidement à un accord. Cette estimation est basée sur une proposition de dédommagement de l’ordre de deux à trois millions de livres pour chacun des territoires. Il est prévu d’utiliser ce montant afin de construire un nouvel aéroport à Mahé, aux Seychelles. Maurice obtiendrait l’équivalent pour financer divers projets de développement. Les Britanniques craignent, toutefois, que les Mauriciens ne tentent de marchander lors des négociations constitutionnelles sur l’indépendance, fixées au mois de septembre. Ils voudraient donc pouvoir régler la question au plus vite.
Ces problèmes d’argent ne préoccupent pas les Américains. Ils sont plus pressés que jamais. Ils confirment aux Britanniques leur choix de Diego Garcia pour l’installation de ce qu’ils présentent toujours comme «une station de communications» avec des facilités de soutien, en particulier une piste d’atterrissage. Ils envisagent de commencer les travaux fin 1966 et de mettre la station en service fin 1968. Ils exigent que les autres îles choisies soient également retranchées pour des raisons de sécurité, même si elles ne sont pas considérées comme essentielles.
L’île seychelloise d’Aldabra fait aussi partie du plan «par précaution», bien qu’aucun projet spécifique ne soit prévu dans l’immédiat, ni sur les autres îles, notamment Coëtivy, Agalega, Farquhar, Desroches et Cosmoledo. Les Britanniques se rendent compte que «les propositions américaines se sont maintenant développées en quelque chose de beaucoup plus vaste que ce qui avait été envisagé». Le secrétaire d’État aux Colonies demande même si cette plus grande opération ne va pas provoquer des répercussions internationales encore plus sérieuses.
Pour mesurer les risques, Londres demande au gouverneur de Maurice de sonder les dirigeants politiques et d’évaluer leurs attentes en termes d’indemnisation. Sir John Shaw Rennie est invité à laisser entendre aux dirigeants politiques que si leurs exigences devenaient trop lourdes, il se pourrait, compte tenu des difficultés financières du Royaume-Uni, que le projet soit abandonné. C’est clairement une posture de négociation. Le gouvernement britannique est au contraire déterminé à tout faire pour prendre possession des îles en question. Le Foreign Office considère qu’elles sont d’une valeur inestimable pour le Royaume-Uni et les États-Unis, et qu’il ne faudrait, en aucun cas rater l’«occasion probablement unique de retrancher ces petites îles faiblement peuplées pour des objectifs stratégiques4 ».
Le gouverneur de Maurice ne tarde pas à faire savoir au secrétaire d’État aux Colonies, que dans les circonstances politiques locales, le Parti mauricien social-démocrate (PMSD), membre de la coalition gouvernementale mais opposé à l’indépendance, pourrait se montrer difficile.
Entre-temps, le gouvernement britannique relance les Américains sur la possibilité d’obtenir d’eux une contribution financière au dédommagement. Le coût de sa participation à l’opération inquiète de plus en plus le Royaume-Uni, en butte à des problèmes économiques, d’autant plus qu’une polémique fait rage au sein de l’administration pour savoir lequel des ministères devrait supporter les frais de «l’acquisition» des îles convoitées. Les Américains ne manquent pas de faire remarquer que les Britanniques cherchent à remettre en question les termes de leur accord initial. Londres ne le nie pas.
Dans une note préparée à l’intention d’Anthony Greenwood, le secrétaire d’État aux Colonies, en prévision d’une rencontre avec Dean Rusk, secrétaire d’État américain, le 10 mai 1965, Edward Peck, assistant du sous-secrétaire d’État au Foreign Office, fait une mise en garde : «si nous n’arrivons pas rapidement (ce qui veut dire généreusement) à un accord, une agitation dans les colonies contre le «démembrement» et les «bases étrangères» (fomentée de l’extérieur) aura le temps de prendre des proportions sérieuses, en particulier à Maurice, où l’équilibre politique d’une société multiraciale peut facilement être déstabilisé6 …»
À Londres, au lendemain de cette discussion, le conseil des ministres prend la décision d’accélérer le processus. Les Américains sont informés que toutes leurs propositions sont acceptées en principe, mais que le projet dépend de l’accord des deux gouvernements locaux, accord que Londres considère toujours comme «essentiel».
Le conseil des ministres a discuté en détail des indemnités à payer et en général des conditions à réunir pour obtenir l’acceptation des deux gouvernements. Il a été convenu que les exploitants des îles, les employés qui y travaillent et les gouvernements – «pour la perte de territoires» – devront tous être dédommagés. Ils confirment leurs propositions de l’ordre de deux à trois millions de livres sterling, toujours sous la forme de la construction d’un aéroport pour les Seychelles et d’un don pour le financement de divers projets de développement à Maurice.
La question de possibles demandes supplémentaires de Maurice est évoquée, notamment un gros contingent d’émigrants vers le Royaume-Uni, et des efforts à faire afin d’obtenir un accord américain sur un quota substantiel d’exportation de sucre aux États-Unis. Le gouvernement britannique estime toutefois que ces demandes n’ont aucune chance d’aboutir.
Mais en même temps, Londres dit reconnaître qu’il serait raisonnable que les gouvernements de Maurice et des Seychelles s’attendent à une forme d’indemnisation, en raison de la perte de leurs territoires. Il dit vouloir recevoir une indication du montant «qui rendrait le projet acceptable pour leur opinion publique». Afin de tenter de minimiser les revendications financières des dirigeants locaux, outre de laisser entendre que les Américains pourraient abandonner leur projet de base, il est conseillé aux gouverneurs de souligner auprès des dirigeants politiques mauriciens que c’est le gouvernement britannique, et non américain, qui sera responsable de payer toutes les indemnités.
Le fait que des officiels discutent déjà de la demande britannique de participation financière américaine au dédommagement n’est pas divulgué. Londres craint que Maurice et les Seychelles ne réclament davantage d’argent en apprenant que les Américains vont y contribuer.
Toutes ces questions font l’objet d’une discussion, le 14 mai 1965, entre hauts responsables américains et britanniques. La délégation américaine, conduite par Jeffrey Coleman Kitchen, sous-secrétaire d’État pour les Affaires politico-militaires, explique d’abord les contraintes budgétaires qui empêchent l’administration américaine de participer à l’indemnisation en versant une contribution «visible». Le représentant du Foreign Office réplique que la contribution demandée peut ne pas être publiquement liée au projet. Kitchen a manifestement une idée sur la manière de contourner le problème. Il promet d’étudier la possibilité d’obtenir un paiement dans le cadre des programmes anglo-américains de recherche et de développement.
Les conditions sont maintenant réunies pour que Londres présente des propositions formelles à Maurice et aux Seychelles. Les gouverneurs des deux îles reçoivent du Colonial Office un argumentaire élaboré qui explique la position du Royaume-Uni. Les Américains, qui valident ce document, s’assurent que rien ne transpire de leurs objectifs à long terme. Ils obtiennent que toute référence à des futurs développements d’installations militaires soit censurée.
Le Colonial Office confirme que l’intention est de retrancher constitutionnellement les îles choisies de Maurice et des Seychelles et d’établir, par un «Order in Council», une nouvelle administration britannique. Un «Order in Council» est un acte réglementaire fait au nom de la reine d’Angleterre par son «Conseil privé» indépendamment du pouvoir législatif. Le Colonial Office réaffirme que «les Américains ne seront disposés à réaliser le projet à aucune autre condition. Toute idée de mise à disposition des îles requises par le biais d’une location ou d’un accord de défense avec Maurice ou les Seychelles doit être écartée…» Les Britanniques disent même craindre, dans ces conditions, que les Américains ne cherchent ailleurs.
Whitehall n’accorde pas beaucoup d’attention à une proposition du gouverneur des Seychelles, qui observe que les problèmes politiques pourraient être évités si les Seychelles étaient tout simplement intégrées au Royaume-Uni, après y avoir ajouté les Chagos et Agalega…
Dans les débats qui se déroulent sur la question à Whitehall, c’est à peine si le problème de la population des îles à retrancher est évoqué. Il est seulement noté qu’«il sera nécessaire de réinstaller la main-d’œuvre (en tout 500 âmes) actuellement associée aux plantations de coco sur Diego Garcia, mais aucun autre mouvement de population ne sera nécessaire sur aucune autre île en anticipation d’une décision dans chaque cas d’y développer des installations de défense».
Dans une note adressée aux dirigeants des pays du Commonwealth et sollicitant leur soutien, le Foreign Office déclare tout de même que le Royaume-Uni «prend bien soin, en étroite consultation avec les gouvernements de Maurice et des Seychelles, de veiller à ce que les intérêts des populations locales soient protégés. En tout état de cause, ces îles sont petites, isolées et peu peuplées (seulement quelques centaines de travailleurs engagés et leur famille13)…»
Chapitre III
TNA. PRO. 30 April 1965. Defence Facilities in the Indian Ocean – Telegram from Foreign Office to British Embassy, Washington. FO 371/184523 Z4/44/G.
TNA. PRO. 3 May 1965. Telegram from Foreign Office to British Embassy, Washington. FO 371/184523 Z4/46/G.
TNA. PRO. 18th March 1965. Telegram from Secretary of State for the Colonies to Mauritius and Seychelles. FO 371/184524 Z4/56/G.
TNA. PRO. 7 May 1965. Defence facilities in the Indian Ocean: Brief for the Secretary of State’s discussion with Mr Rusk [USA]. FO 371/184523 Z4/64/G.
TNA. PRO. 8 May 1965. UK/US Defence Interests, Telegram from Sir John Shaw Rennie to the Secretary of State for the Colonies. FO 371/184523 Z4/55/G.
TNA. PRO. 7 May 1965. Defence facilities in the Indian Ocean: Brief for the Secretary of State’s discussion with Mr Rusk [USA] FO 371/184523 Z4/64/G.
TNA. PRO. 15 June 1965. Defence Interests in Indian Ocean : Brief by the Commonwealth Office. FO 371/184523 Z4/84/G.
TNA. PRO. 18 May 1965. UK/US Defence Interests. Draft telegram to Governor Mauritius and Governor Seychelles (PAC 93/892/01) FO 371/184524 Z4/62/G.
TNA. PRO. 14 May 1965. Defence Facilities in the Indian Ocean : meeting between United States and United King dom officials. FO 371/184524 Z4/62/G.
TNA. PRO. 18 May 1965. UK/US Defence Interests. Draft telegram to Governor Mauritius and Governor Seychelles (PAC 93/892/01) FO 371/184524 Z4/62/G.
TNA. PRO. 15 May 1965. UK/US Defence Interests. Telegram to Secretary of State for Colonies from Seychelles (O.A.G.). FO 371/184524 Z4/67/G.
TNA. PRO. 15 May 1965. Defence Interests in Indian Ocean.[Draft telegram] from Commonwealth Relations Office. W. Circular 114. FO 371/184524 Z4/70/G.
Ibid.
Les Chagossiens
«L’express» publie, depuis le mardi 31 octobre, par chapitres, le livre de Jean Claude de l’Estrac sur les Chagos, avec le soutien des Éditions le Printemps, où vous pouvez retrouver cet ouvrage.
«Les populations locales» que les Britanniques envisagent de déplacer habitent depuis la fin du XVIIIe siècle l’archipel des Chagos, un chapelet de 64 îlots coralliens, au cœur de l’océan Indien, mais isolés du reste du monde. La plus grande île de l’archipel, Diego Garcia, mesure près de 21 kilomètres de long du nord au sud et une dizaine de kilomètres dans sa plus grande largeur au nord ; elle s’étend sur 230 kilomètres carrés. L’île en forme de V abrite un profond lagon. Au centre de l’archipel s’étend le Grand banc des Chagos. À l’ouest du banc, les Trois Frères, l’île de l’Aigle, l’île aux Vaches et l’île Danger. Au nord, se trouvent les îles Peros Banhos et Salomon. Au sud-ouest, émerge le groupe des Six îles, parfois appelées îles Egmont.
En cette fin des années soixante, les habitants de ces îles éparses n’ont de contact extérieur qu’avec Maurice. Les Chagos sont une colonie de la colonie. Après les Portugais qui l’avaient découvert, les Français explorent l’archipel dès 1769. Déjà, un officier de marine, le lieutenant La Fontaine, explore le lagon de Diego Garcia et constate qu’«un grand nombre de navires pourrait s’y abriter en sécurité1 ». En 1776, un armateur de l’île de France, Deschiens de Kerulvay, tente d’installer un poste à Diego Garcia. Plus tard, en 1786, il demande à nouveau une concession. Il se propose d’y entreposer des Noirs qu’il irait chercher en Afrique pour les vendre ensuite aux îles d’Amérique, après une période d’acclimatation.
Les Britanniques s’intéressent aussi à ces îles. Ils voient immédiatement leur intérêt stratégique. Leur première apparition aux Chagos remonte à 17633 . Ils envisagent un moment d’y implanter un comptoir d’approvisionnement. Durant la Deuxième Guerre mondiale, Diego Garcia est utilisée comme poste de ravitaillement en charbon. Pendant quelques années, les deux puissances maritimes se disputent l’archipel. Finalement, pour écarter un risque de guerre, les Britanniques décident d’abandonner la place.
La plupart des «Chagossiens» habitent trois des îles de l’archipel : Diego Garcia, Peros Banhos et Salomon. Ce sont des descendants d’esclaves, arrivés de Madagascar et du Mozambique, expédiés dans les îles pour le compte de compagnies franco-mauriciennes qui exploitent des cocoteraies. Les cocotiers sont la grande richesse des Chagos. Les noix servent à fabriquer de l’huile de coco, qui est exportée. Aux Chagossiens de souche, établis dans les îles, depuis deux ou trois générations, se sont ajoutés au fil des années des travailleurs engagés sous contrat venus de Maurice, des Seychelles et du sud de l’Inde. Mais près de 80 % des résidents se considèrent comme natifs des Chagos.
L’essentiel de l’économie des îles gravite autour du ramassage des noix de coco, de leur épluchage, de leur traitement pour la fabrication de l’huile. Depuis des décennies, la plupart des Chagossiens sont au service de sociétés huilières qui exploitent l’abondance des cocos. Une première exploitation a démarré à l’initiative de Pierre Marie Le Normand, un colon français possédant de grandes plantations à l’île de France. Ce propriétaire d’esclaves se désolait du grand nombre de lépreux parmi les esclaves de l’île de France. Il demande au gouverneur, le vicomte de Souillac, la permission de créer une léproserie à Diego Garcia. Il est persuadé que l’air pur des îles et la qualité de la nourriture fera le plus grand bien aux malades. Il sollicite également une concession pour planter des cocotiers et produire de l’huile.
Encouragé par l’administration, Le Normand s’installe à Diego Garcia, accompagné de vingt-deux esclaves6 . Il est suivi par d’autres bénéficiaires de concessions et l’un d’entre eux, Lapotaire, construit une huilerie dès 1794. Bientôt, les frères Cayeux l’imitent. Et c’est ainsi qu’apparaît très tôt ce qui deviendra la principale activité économique de l’archipel7 . Ces «dépendances» de l’île de France, sont finalement cédées à l’Angleterre en 1810, lors de la prise de l’île de France. Le traité de Paris, signé en 1814, rattache toutes les dépendances de l’ancienne île de France, y compris Diego Garcia, à la nouvelle colonie britannique, qui prend le nom de Mauritius, Maurice.
Pour relancer les activités économiques dans les dépendances de Maurice, le premier gouverneur britannique, Robert Farquhar, accorde des concessions aux frères Hullard dans les îles Trois Frères en 1813 ; au cours de la même année, d’autres concessions sont accordées à Peros Banhos aux colons Allain et Bigard, qui les transfèrent rapidement au colon Majastre. Jean Mallefille et William Stone obtiennent des concessions dans les îles Salomon pour exploiter le bois. Pour développer leurs affaires et malgré l’interdiction du commerce des esclaves par les Britanniques, les titulaires de concessions réussissent à se faire expédier de nouveaux esclaves déjà installés à Maurice.
Une Société huilière de Diego et Peros est créée en 1883. Elle est remplacée par Diego Limited, qui vend ses droits en 1962 à Chagos Agalega Limited. La nouvelle compagnie qui achète les îles de l’archipel des Chagos est créée par Paul Moulinié et d’autres actionnaires des Seychelles qui achètent pratiquement toutes les plantations de coco de Diego Garcia, Peros Banhos, Salomon ainsi que celles d’Agalega. Pendant un moment, la compagnie de navigation mauricienne qui assure le transport de l’huile de coco produite dans les îles, la Colonial Steamship Co. Ltd, filiale du conglomérat Rogers & Co., envisage de prendre le contrôle de la société seychelloise. Elle se ravise durant une visite de ses dirigeants à Diego Garcia et dans les autres îles de l’archipel, en août 1961.
Alors qu’il est en visite de prospection et qu’il négocie avec le promoteur seychellois des huileries, René Maingard, un directeur de Rogers reçoit un télégramme qui l’informe du peu d’enthousiasme des dirigeants de l’entreprise mauricienne du fait que le prix de vente du coprah sur le marché mondial est en baisse, la production excédant l’offre. Déjà au cours de la visite, Maingard n’avait pas été très impressionné par l’état des lieux. Il est séduit par la beauté des îles, en particulier Peros Banhos, mais se dit «horrifié» par ce qui se pratique dans certaines parties des îles, en particulier les méthodes d’extraction du guano (matière provenant d’excréments et de cadavres d’oiseaux marins9 ).
Le contexte politique est un autre aspect qui pousse la Colonial Steamship Co. Ltd. à abandonner le projet. Lorsqu’il est reçu par un représentant du gouverneur des Seychelles à Mahé, Maingard s’aventure même à suggérer que les îles seraient mieux loties si elles étaient rattachées aux Seychelles plutôt qu’à Maurice. Il pose la question de savoir si les Seychelles seraient éventuellement intéressés dans un transfert de Diego Garcia et d’Agalega sous sa dépendance. Il explique au représentant du gouverneur que la compagnie mauricienne a la possibilité d’acquérir une majorité dans les Oil Islands et qu’elle «joue avec l’idée» de se faire enregistrer aux Seychelles. L’Anglais se dit persuadé que son gouvernement y serait favorable tant que l’arrangement ne lui coûte rien10.
Malgré la défection des Mauriciens, avec l’arrivée des Britanniques, les liens entre les Chagos et Maurice se structurent quelque peu. Des navires partent assez régulièrement de Port-Louis, pour ravitailler la petite population. De temps en temps, un fonctionnaire mauricien visite les îles pour assurer un semblant d’administration ou un prêtre catholique va y prêcher la bonne parole et baptiser à tour de bras des «indigènes» analphabètes.
Le père Roger Dussercle, qui s’y rend assez régulièrement, est peiné par les difficultés de vie dans l’archipel : «rien ne pousse dans cette terre aride hormis le cocotier ; en sorte que la plus maigre verdure n’est pas là pour relever le riz quotidien que l’on mange sans brède, sans bouillon.» Ces conditions de vie misérables incitent quelques Chagossiens à tenter l’aventure mauricienne ; ils sont encore plus malheureux. Le prêtre en fait le constat : «et j’en sais de ces gens qui se mordent les doigts de s’être laissés aller un jour à réaliser la perspective – si faussement caressée – de se rendre à Maurice ; à Maurice où, se trouvant en dehors des classes locales, même les plus basses, ils n’ont rien à manger : c’est la famine pour eux ; et la fièvre pour les enfants, si beaux, si joufflus dans les îles, qui viennent s’étioler et mourir dans un climat qui n’est pas le leur.» Aussi du Chagossien exilé, l’unique désir est-il de retourner chez lui11.
Néanmoins les activités économiques s’intensifient avec l’arrivée de la compagnie créée par Moulinié. Malgré plusieurs années de déclin de l’industrie huilière, la nouvelle société espère en faire une activité rentable. Elle devient pratiquement le seul maître à bord et ses administrateurs gèrent leurs affaires «de manière plutôt féodale12». Chagos Agalega Limited, unique employeur, fait la pluie et le beau temps. Les inspections des fonctionnaires mauriciens sont rares. Au mieux, un magistrat vient une fois par an.
Entretemps, les administrateurs sont investis de tous les pouvoirs, y compris ceux d’arrêter et d’emprisonner des travailleurs jugés récalcitrants13.
Les conditions de travail sont médiocres. Les salaires sont très bas, mais la compagnie offre à ses employés des rations alimentaires. Elle possède des boutiques où l’on peut acheter quelques produits de base. Un dispensaire assure des soins élémentaires. L’accès à l’éducation est pratiquement inexistant. Ce qui n’empêche pas les Chagossiens d’apprécier ce style de vie. Rita, une Chagossienne, n’a jamais oublié : «Vous aviez votre maison – vous n’aviez pas de loyer à payer… Avec ma ration, je recevais dix livres et demi de riz chaque semaine, je recevais dix livres et demi de farine, je recevais mon huile, je recevais mon sel, je recevais mon dhal, mes haricots – c’est seulement du beurre de pistache et des haricots rouges que nous devions acheter. Et j’avais mon poisson frais… Nous plantions du giraumon, nous plantions des légumes. Nous avions du poulet. Les cochons étaient nourris par la compagnie et nous en recevions. Nous, on nourrissait des poules et des canards14.»
C’est cette même description d’abondance et de tranquillité que rapporte d’une visite dans les îles, vers la fin des années cinquante, le gouverneur de Maurice, Robert Scott. Le petit village d’East Point, à Diego Garcia, lui rappelle «un village français miraculeusement transféré en entier sur cette plage». Il est charmé par le bel ordonnancement des paysages et des bâtiments aux toits de chaume. Il visite l’hôpital, les garages, il se pâme devant les petits jardins de roses, d’allamanda et d’hibiscus. Deux inconvénients majeurs le frappent cependant : autour de nombreux canards, poules, chiens et chats qui encombrent les ruelles, il y a toujours de grosses nuées de mouches. Il y a aussi les rats, une vraie plaie ; ils dévorent une bonne partie des cocos récoltés, à peine moins que les scarabées qui pullulent. À tel point que les jeunes enfants ont deux sources d’argent de poche dans l’éradication des animaux nuisibles : trois sous pour un rat tué et un sou pour trois scarabées rhinocéros15…
Les adultes, eux, s’éreintent à ramasser les noix de coco qui sont maintenant exportées à Maurice. Un recensement estime en 1958, à la veille de grands bouleversements qui menacent les Chagossiens, à plus de quatre millions et demi le nombre de noix récoltées malgré les ravages des rats16.
Scott, Robert, Limuria : The Lesser Dependencies of Mauritius. Oxford, Oxford University Press, 1961, 68.
Toussaint, Auguste, Histoire des îles Mascareignes. Paris, Éditions Berger-Levrault, 1972, 83.
Toussaint, Auguste, L’océan Indien au XVIIIe siècle. Paris, Flammarion, 1974, 65.
Vine, David, Island of Shame. Princeton, Princeton University Press, 2009, 23.
Ly-Tio-Fane, H. and Rajabalee, S., “An Account of Diego Garcia and its People”, Journal of Mauritian Studies, 1 (1986), 92.
Scott Robert, op. cit., 20.
Maingard, René, Islands Voyage Diary, 29 August – 10 October 1961. Unpublished manuscript.
Ly-Tio-Fane, H. and Rajabalee, S., “An Account of Diego Garcia and its People”, Journal of Mauritian Studies, 1 (1986), 92. 9
. Maingard, René, Islands Voyage Diary, 29 August – 10 October 1961. Unpublished manuscript.
L’Estrac, Jean Claude de, Report of the Select Committee on the Excision of the Chagos Archipelago, Mauritius, June 1983.
Dussercle, Roger, Archipel des Chagos. Port Louis, The General Printing & Stationery Co. Ltd., 1934, 100-102.
Chagos Islanders v. The Attorney General and Her Majesty’s British Indian Ocean Territory Commissioner (2003) EWHC 2222 (QB) HQ02X01287.
Ibid.
Vine, David, op. cit., 3.
Scott Robert, op. cit., 249. 16. Orian, Alfred, “Report on a Visit to Diego Garcia”, Revue agricole et sucrière, 38.3 (1959), 130.